Ce matin-là, j’ai laissé les enfants à l’école avec beaucoup de tendresse. J’étais pressée comme les jours d’avant. Avant de partir pour l’école, ils m’ont adressé à tour de rôle leurs souhaits:
«Est-ce que tu peux venir nous chercher tôt pour qu’on aille magasiner ?» m’a demandé mon fils.
«Maman, est-ce qu’on pourrait manger de la tite boîte ce soir ?» m’a dit ma fille en parlant de général tao.
Je voulais tellement leur faire plaisir et dire oui à tout ce qu’ils voulaient. Surtout parce que je souffrais de ne pas être avec eux comme je le souhaitais. J’ai repris la route sans vraiment leur répondre de peur de les décevoir. Ma route s’est poursuivie avec la montée d’un sentiment de vivre une vie dénuée de sens, absurde. J’ai poursuivi ma route avec ce sentiment qui grandissait au fur et à mesure que je descendais l’autoroute.
J’ai senti monter des larmes et j’ai pleuré. J’ai respiré et levé le son de la radio pour tenter de chasser très loin de moi ces idées sombres qui se faisaient de plus en plus présentes. J’ai stationné la voiture et je suis entrée au bureau. J’ai dîné à mon bureau entre deux dossiers. Je suis restée positive. J’ai travaillé en relevant mes manches, mais je ne sentais plus mon cœur. Pas comme si j’allais faire une crise de cœur, plutôt comme dans « Avoir le cœur à l’ouvrage ».
La journée finissait et je me laissais emporter une fois de plus par mon enthousiasme débordant, mon désir de bien faire. Je n’arrivais pas à quitter le bureau. Je n’avais plus de batteries à mon cellulaire, je cumulais plus de 45 minutes de retard. Je me sentais prise entre responsabilité professionnelle et responsabilité familiale. Je ne voulais pas appeler mon mari pour lui dire. Lui dire, lui expliquer mon retard, encore une fois. À mon arrivée, j’ai eu droit à son air froid. Un air froid au regard rempli de reproches. Je n’ai rien dit. Je n’avais pas le goût de m’excuser. Je n’avais pas le goût d’avaler que plus je voulais faire mieux, plus je récoltais de l’insatisfaction de toute part. Je ne l’ai pas regardée de toute la soirée. Je suis restée sans rien dire. J’ai vu que ça n’allait plus et je n’ai rien dit. Je n’ai rien dit sur mes larmes versées plus tôt sur l’autoroute. Je n’ai rien dit sur mon cœur qui souffrait.
Ma tête ne suivait plus. J’arrivais à peine à accompagner les enfants au lit. Après, je n’arrivais à rien faire d’autre que d’être assise en tite boule sur le divan à écouter des émissions vides, aussi vide de sens que j’avais l’impression qu’était ma vie. Pendant ce temps, ma tête de toute façon ne recevait que des sons constants et répétitifs, ceux d’une télé qui a perdu le signal au temps des antennes. C’était un genre de «bib———-» avec un fond de grincement. Quand tout à coup, sans prévenir ni rien dire, je montai me coucher comme un robot. Mais, je ne dormais pas….. pas plus que la nuit précédente ni que la suivante.
Impuissante, fatiguée, vidée, stressée, anxieuse et blessée, mais je ne lui en ai jamais parlé. Je l’ai trompé. J’ai trompé mon mari en essayant d’être quelqu’un d’autre. J’ai probablement tenté d’être une Super Woman sans vraiment le savoir. J’étais en panne de connexion avec moi-même… Vide et court-circuitée.
Aujourd’hui, on apprend à se pardonner, à se reconstruire et à prendre soin l’un de l’autre en sachant qu’il nous sera bénéfique de rester vigilant parce que nul n’est à l’abri d’une panne de courant.